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Cultural engineering and international cooperation


Cultural Engineering: A global approach for long term human development and international cooperation


By Alexandre Col



Introduction


Depuis plus de 25 ans, j’évolue dans un milieu professionnel dont je m’aperçois, en

prenant un peu de distance, n'avoir pu sonder qu’une infime partie. Pourtant, mes

expériences, que ce soit dans l’organisation d’évènements, la formation professionnelle,

la production d’artistes, la structuration des organisations culturelles et créatives,

l’innovation sociale et la diplomatie culturelle, sont assez diverses et devraient me donner

la satisfaction d’une certaine complétude. C’est au contraire le sentiment de la multitude

encore à découvrir qui continue de m’habiter.

J’ai d’ailleurs eu la chance de collaborer de près avec des professionnels de très grande

qualité, d’excellents spécialistes de leur domaine, des "presque sages" selon la définition

que chacun voudra donner au mot. Et au cours de ce "grand banquet culturel" qui dure

depuis 25 années, j’ai pu pratiquer une forme de maïeutique auprès de tous ces experts

qui m’ont enrichi de leur diversité et ont partagé leurs connaissances. J’avoue avoir une

forme de boulimie en la matière, mais surtout je suis resté marqué par cette

insatisfaction, comme si la boucle n’était pas bouclée. Et dans ces temps d’échanges

d'idées et d’action, nombre de ces personnalités a montré sa difficulté à dépasser sa

théorie, sa pratique et ses propres frontières. La culture est vaste et pourtant chacun a

du mal à s'y projeter pleinement. Je me suis toutefois toujours senti à mon aise, et ai pris

plaisir à relier ces expertises, à en corréler causes et effets tout en poursuivant mes

recherches personnelles et extra-culturelles (en développement durable, innovation,

politique...).

Si je commençais à pratiquer le concept d’ingénierie culturelle (il me fut d’une grande

aide pour comprendre et accompagner la diversité des organisations côtoyées lorsque

j’étais directeur de l’AGEC 1), ses contours et leviers potentiels se sont franchement

imposés à moi lors de mes quatre années passées en tant qu’Attaché de coopération

culturelle, audiovisuelle et linguistique à Singapour. Comme si le fait d’évoluer dans un

nouveau milieu (celui de la diplomatie, somme toute très différent de ce que je

connaissais) et la distance physique m’avaient aidé à développer une vision globale de

notre filière, et à en comprendre les rouages systémiques. Car c’est bien de cela qu’il

s’agit : appréhender la culture dans sa complexité, non pas seulement en tant qu’expert

disciplinaire mais bien comme un médiateur de confiance et fédérateur de compétences

croisées.

J’ai ainsi pu apprécier la singularité de l‘ingénierie culturelle française, cette expertise qui

s’attache avant tout au système et à la méthode, et expérimenter en quoi sa projection à

l‘étranger était essentielle : accompagner l'évolution des politiques culturelles d’un

ministère autour des enjeux de la structuration et de la coopération ("leadership") des

organisations, transférer un modèle de résidence d’écrivain pérenne, concevoir une

plateforme des arts numériques comme fondement de la ville créative, partager des

compétences de haut niveau sur la préservation du patrimoine dans un cadre de

développement durable, proposer une stratégie de développement d’une filière BD

comme levier de créativité pour l'ensemble du secteur culturel, etc... Dans tous ces

exemples, il s’agissait de comprendre, de maîtriser et de mettre en cohérence la

conception, les fonctionnements et les processus à l'oeuvre autour de ces formes et

objets culturels, toujours de manière stratégique.

Dans un second temps, pendant un séjour d’exploration professionnelle au Canada, il

m’a fallu développer un argumentaire pour expliquer l‘ingénierie culturelle aux institutions

et opérateurs rencontrés, non plus dans ses processus "d’exportation", mais plutôt en ce

qu’elle était un levier de montée en compétences, pour accompagner les mutations

nécessaires, tant politiques qu’opérationnelles. Ceci est venu parfaire ma vision du

concept.

Cependant, celui-ci est relativement récent et n’a pas encore été théorisé afin de

permettre à chacun d’en saisir la multitude d’entrées possibles. Pourtant l’expertise

culturelle portée par la France est unique au monde. Notre ingénierie en la matière

représente une combinaison complexe de politiques publiques, de droits, de modes et

processus d’organisation, d'équipements, de facteurs d’éducation, d'entreprises

(publiques et privées), de technologies, de valeurs patrimoniales, de contenus créatifs...

Elle revêt des enjeux importants, pour accompagner de manière structurelle l'ensemble

de la filière créative française, mais aussi en faveur du développement de nos pays

partenaires.

Cette étude aura ainsi pour quadruple objectif de définir le concept d'ingénierie

culturelle ; d'exposer les perspectives et enjeux généraux ; de détailler les méthodes et

processus à l’oeuvre ; de proposer des opérations de transferts à l’international

mobilisant les ressorts politiques, stratégiques et techniques, de l‘ingénierie culturelle.

Le sujet est aussi vaste que le champ de la culture est complexe. Nous n’aurons donc

pas la prétention d’en faire le tour, mais plutôt de poser les bases d’une réflexion à

partager, et de donner de nouvelles clés tant conceptuelles qu'opérationnelles pour

penser les mutations en cours.

1 Aquitaine Groupement d’Employeurs Culture et économie créative

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